Nathalie Grall
Nathalie Grall est une femme discrète qui passe beaucoup de temps là-haut dans l’intimité de son atelier, un lieu secret et encombré par la presse, le meuble à tiroirs, les nombreux papiers, les dessins, lavis et autres gravures. Odeurs d’encre flottante et reflets cuivrés sous la verrière, elle n’est pas volubile mais les mots passent aussi par ses yeux. Dans sa pratique obstinée de l’estampe Nathalie a le geste pondéré, précis et fluide du maître calligraphe qui pose d’un geste sûr le noir liquide de son encre sur la docilité du papier, « L’unique trait de pinceau » comme dirait Fabienne Verdier. Sinon que la technique de la gravure au burin exige un effort plus physique : il faut creuser la matière, armé de l’outil éponyme. Le cuivre est un métal tendre qui se laisse dompter quand la gestuelle est maîtrisée, et il faut accompagner la matrice d’une main pour émanciper celle qui tient le burin, gymnastique harmonieuse des mains. L’ univers graphique de Nathalie Grall est multiple : on y croise des danseurs évoquant Matisse, des personnages loufoques à la Jacques Callot (les « Gobbi ») dont l’unique raison de vivre semble être le mouvement, des fleurs, des oiseaux, des végétaux tout en frémissements, des paysages qui se figent et des écritures cabalistiques et lascives. Figures reconnaissables et pourtant son écriture n’est pas narrative, plutôt suggestive, on oscille entre figuration et abstraction, entre allure et staticité. L’omnipotence des noirs, adoucie par les tons chauds des contrecollés, caractérise d’une manière sobre et toujours élégante ses gravures puissantes et tout en retenue. Ses images sont une écriture, idéogrammes imaginaires comme une réminiscence venue d’Extrême-Orient. Nathalie est née en 1961, elle vit travaille à Lille, première exposition personnelle en 1984.
A propos de la gravure au burin : dans la noble famille de la gravure en « taille-douce » elle est apparue il y a plus de six siècles (sans doute des artisans orfèvres l’utilisaient précédemment), le célébrissime Dürer (1471-1528) en est la figure de proue la plus emblématique. On raconte d’ailleurs à son sujet qu’il délaissa au tournant des XV ème et XVI ème siècles la gravure sur bois, et même la peinture, au profit du burin.
JDS