Bernard Pras
Bernard Pras est né dans les Charentes en 1952, diplômé de l’école des Beaux-Arts de Toulouse où il a pratiqué le dessin, la peinture et la gravure, il est d’ailleurs l’inventeur de l’aquagravure. Procédé qui permet, à partir d’une pâte à papier, d’obtenir par pression verticale des gaufrages, des effets de reliefs importants : une technique réappropriée par Bengt Lindström, Bram Bogart, Karel Appel et quelques autres, grâce à l’aide technique de l’artiste. A l’époque, dans les années 90, cette surprenante spécialité m’avait poussé à le contacter, je diffusais alors des estampes d’artistes contemporains.
Depuis une vingtaine d’années Bernard Pras développe une toute autre technique, remarquable : l’anamorphose. Technique dont le principe physique repose sur les lois de la perspective, in primo étudié par Piero della Francesca, mais aussi Albrecht Dürer (« un art de la perspective secrète »), ou encore Hans Holbein dans son célèbre tableau « Les ambassadeurs ». Tableau où l’on peut voir l’image d’un crâne (une Vanité) uniquement avec une vision rasante sur la toile, le regardant étant positionné depuis le côté gauche. En bref, une anamorphose ne peut se lire que d’un point de vue très précis, qu’elle soit représentée en 2D sur un dessin (Léonard de Vinci), un tableau, ou représentée en 3D comme aujourd’hui les installations de Georges Rousse ou celles de Felice Varini, ces dernières s’inscrivant dans des paysages.
Le génie de Bernard est d’utiliser des objets, totalement hétéroclites glanés ici et là, qu’il accumule et assemble d’une manière très précise dans un espace délimité, et dont la fonction une fois combinés est de permettre une lecture crédible et rendue évidente de l’image, en quelque sorte une installation-collage dans ses 3 dimensions spatiales (abscisse, ordonnée et cote). La complexité du procédé est qu’il faut être infaillible dans la mise en place des objets, en lien étroit avec tous ceux qui les entourent et par corrélation. Ce qui suppose un grand nombre d’essais de mises en scène desdits objets, et quantité de variantes possibles. Pour ce faire l’artiste se déplace un nombre de fois incalculable entre l’installation à proprement parlé, et le viseur de son appareil photo. Car la photographie est le geste final, afin de pérenniser l’oeuvre, dont l’agencement sera parfois démonté.
D’un point de vue plastique l’effet est bluffant une fois qu’on a compris la méthode, et avec son style unique (« peindre avec des objets ») Bernard Pras va revisiter l’histoire de l’Art, rendre hommage aux maitres anciens de la peinture, en réinterprétant des tableaux célèbres (Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, Le cri de Edvard Munch) par anamorphose. Des hommages également à ses contemporains illustres, personnages réels issus de la Culture Pop (les Beatles), du cinéma (James Bond), de la cuisine patrimoine mondial (Paul Bocuse) ou encore l’actualité (un mendiant). Ses oeuvres sont présentes dans de nombreuses galeries aux quatre coins du monde, dans des musées et autres collections publiques, l’artiste créée régulièrement de nouvelles anamorphoses.
JDS